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COVID-19 : le tri acceptable

2020-05-12 | 4 minutes de lecture

Depuis début mars 2020, la France vit à l’heure de l’épidémie de COVID-19. À l’heure où j’écris cet article, plus de 26000 personnes sont décédés de l’épidémie selon les chiffres officiels.

Les moments de tensions ne sont rarement propices à la réflexion, et les vieux réflexes reviennent vite. Ainsi, dès le début de l’épidémie, les consignes des autorités médicales pour choisir qui aura droit à des soins de réanimation, et qui en sera privé, sont publiés1, et font la part belle à des éléments complètement indépendants des chances de traitement de cette affection respiratoire, tels que l’autonomie du patient avant l’infection ou ses fonctions cognitives. Ces recommendations sont plus ou moins assumées suivant les différents corps médicaux, certains n’hésitant pas à appuyer lourdement ce tri2.

Les inquiétudes sont telles que la très frileuse UNAPEI s’est fendue d’un communiqué pour interpeller le gouvernement3 sur ce point. Olivier Véran, Ministre de la Santé, a immédiatement démenti tout tri de patient, ne limitant sa dénégation, cependant, qu’au handicap mental4.

Depuis, les témoignages s’accumulent de refus de soins, que ce soit dans les publications spécialisées5 ou de journalistes établis, tant pour les personnes handicapées que pour des personnes âgées.

L’INSEE publie régulièrement un relevé quotidien des décès en France6, avec une indication de l’age et du lieu de décès par catégorie (hoptial, établissement, logement, …). Grâce à ce relevé, nous pouvons mesurer la surmortalité, par âge et lieu de décès, depuis mars 2020 par rapport à la même période en 2019. Ce comptage est plus précis que les chiffres rapportés quotidiennement par Santé Publique France car il prend en compte les décès hors de toute structure (typiquement, les décès au domicile). On suppose, cependant, que les autres causes de décès restent stables sur la période d’étude, ce qui n’est pas forcément vrai pour les personnes les plus jeunes (il y a ainsi eu une forte chute des accidents de voiture pendant le confinement7).

Ce relevé quotidien n’a aucune information sur le handicap des personnes décédées. Cependant, l’âge est aussi un critère revendiqué par certaines sociétés médicales comme valable pour refuser des soins. Si une discrimination dans l’accès aux soins critiques par l’âge était présente, ces données mettraient en évidence une relation inverse entre l’âge et la proportion de personnes décédées en dehors de l’hôpital, pour les personnes mortes “en plus” par rapport à 2019.

De même, Santé Publique France publie quotidiennement le décompte des décès dans les établissements médicaux sociaux, dont les Hébergements pour Personnes Handicapées8. Bien que couvrant que très partiellement la population des personnes handicapées en France, on peut néanmoins comparer la proportion de personnes prises en charge à l’hôpital avec les données générales de l’INSEE.

Vous pouvez voir ce qu’il en est en réalité ci-dessous :

Il y a une correlation inverse entre l’âge et les décès à l’hôpital (correlation de Pearson ρ=-0,988, p=3,29·10-5): plus ils sont vieux, plus les morts de l’épidémie de COVID-19 décèderont sans soins hospitaliers. Difficile de ne pas y voir, par les faits, un tri des patients âgés.

Au final, la surmortalité a été prise à 37,4% par les hôpitaux (intervalle à 99%: [36,6; 38,3]). Elle a été prise à 72,3% (intervalle à 99%: [64,6; 79,2]) pour les établissements d’hébergement de personnes handicapées: si un tri par le handicap a eu lieu, il est beaucoup, beaucoup plus limité que celui lié à l’âge.

L’analyse complète est téléchargeable au format Dataiku 7.